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Книга «Когда король губит Францию» (Quand un roi perd la France) на французском языке, Морис Дрюон – читать онлайн

Роман «Когда король губит Францию» (Quand un roi perd la France) на французском языке – читать онлайн, автор книги – Морис Дрюон. Роман «Когда король губит Францию» (Quand un roi perd la France) – последний в историческом сборнике «Проклятые короли»; он был написан в 1977-м году, спустя 17 лет после выхода предыдущего (первые 6 книг были написаны в течении 3-х лет). Здесь Морис Дрюон размышляет над судьбой государства, когда к власти приходит не лидер, а посредственность.

Другие произведения самых известных писателей всего мира можно читать онлайн в разделе «Книги на французском языке». Для детей будет интересным раздел «Сказки на французском языке».

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На этой странице выложена первая глава романа, а ссылка на продолжение книги «Когда король губит Францию» (Quand un roi perd la France) будет в конце статьи. Теперь переходим к чтению романа «Когда король губит Францию» (Quand un roi perd la France) на французском языке.

 

Quand un roi perd la France

 

"Notre plus longue guerre, la guerre de Cent Ans, n'a été qu'un débat judiciaire, entrecoupé de recours aux armes."

Paul Claudel

 

INTRODUCTION

Les tragédies de l'Histoire révèlent les grands hommes: mais ce sont les médiocres qui provoquent les tragédies.

Au début du XIVe siècle, la France est le plus puissant, le plus peuplé, le plus actif, le plus riche des royaumes chrétiens, celui dont les interventions sont redoutées, les arbitrages respectés, la protection recherchée. Et l'on peut penser que s'ouvre pour l'Europe un siècle français.

Qu'est-ce donc qui fait, quarante ans après, que cette même France est écrasée sur les champs de bataille par une nation cinq fois moins nombreuse, que sa noblesse se partage en factions, que sa bourgeoisie se révolte, que son peuple succombe sous l'excès de l'impôt, que ses provinces se détachent les unes des autres, que des bandes de routiers s'y livrent au ravage et au crime, que l'autorité y est bafouée, la monnaie dégradée, le commerce paralysé, la misère et l'insécurité partout installées? Pourquoi cet écroulement? Qu'est-ce donc qui a retourné le destin?

C'est la médiocrité. La médiocrité de quelques rois, leur infatuation vaniteuse, leur légèreté aux affaires, leur inaptitude à bien s'entourer, leur nonchalance, leur présomption, leur incapacité à concevoir de grands desseins ou seulement à poursuivre ceux conçus avant eux.

Rien ne s'accomplit de grand, dans l'ordre politique, et rien ne dure, sans la présence d'hommes dont le génie, le caractère, la volonté inspirent, rassemblent et dirigent les énergies d'un peuple.

Tout se défait dès lors que des personnages insuffisants se succèdent au sommet de l'État. L'unité se dissout quand la grandeur s'effondre.

La France, c'est une idée qui épouse l'Histoire, une idée volontaire qui, à partir de l'an mille, habite une famille régnante et qui se transmet si opiniâtrement de père à fils que la primogéniture dans la branche aînée devient rapidement une légitimité suffisante.

La chance, certes, y eut sa part, comme si le destin voulait favoriser, à travers une dynastie robuste, cette nation naissante. De l'élection du premier Capétien à la mort de Philippe le Bel, onze rois seulement en trois siècles et quart, et chacun laissant un héritier mâle.

Oh! tous ces souverains ne furent pas des aigles. Mais, presque toujours, à l'incapable ou à l'infortuné succède immédiatement, comme par une grâce du ciel, un monarque de haute stature; ou bien un grand ministre gouverne aux lieu et place d'un prince défaillant.

La toute jeune France manque de périr dans les mains de Philippe Ier, homme de petits vices et de vaste incompétence. Survient alors le gros Louis VI, l'infatigable, qui trouve, à son avènement, un pouvoir menacé à cinq lieues de Paris, et le laisse, à sa mort, restauré ou établi jusque s aux Pyrénées. L'incertain, l'inconséquent Louis VII engage le royaume dans les désastreuses aventures d'outre-mer; mais l'abbé Suger maintient, au nom du monarque, la cohésion et l'activité du pays.

Et puis la chance de la France, chance répétitive, c'est d'avoir ensuite, répartis entre la fin du xif siècle et le début du XIVe, trois souverains de génie ou d'exception, chacun servi par une assez longue durée au trône - quarante-trois ans, quarante et un ans, vingt-neuf ans de règne-pour que son dessein principal devienne irréversible. Trois hommes de nature et de vertus bien différentes, mais tous trois très au-dessus du commun des rois.

Philippe Auguste, forgeron de l'Histoire, commence, autour et au-delà des possessions royales, à sceller réellement l'unité de la patrie. Saint Louis, illuminé par la piété, commence d'établir, autour de la justice royale, l'unité du droit. Philippe le Bel, gouvernant supérieur, commence d'imposer, autour de l'administration royale, l'unité de l'État. Aucun n'eut pour souci premier de plaire, mais celui d'être agissant et efficace. Chacun dut avaler l'amer breuvage de l'impopularité. Mais ils furent plus regrettés après leur mort qu'ils n'avaient été, de leur vivant, décriés, moqués ou haïs. Et surtout ce qu'ils avaient voulu se mit à exister.

Une patrie, une justice, un État: les fondements définitifs d'une nation. La France, avec ces trois suprêmes artisans de l'idée française, était sortie du temps des virtualités. Consciente de soi, elle s'affirmait dans le monde occidental comme une réalité indiscutable et rapidement prééminente.

Vingt-deux millions d'habitants, des frontières bien gardées, une armée rapidement mobilisable, des féodaux maintenus dans l'obéissance, des circonscriptions administratives assez exactement contrôlées, des routes sûres, un commerce actif; quel autre pays chrétien peut alors se comparer à la France, et lequel ne l'envie pas? Le peuple se plaint, certes, de sentir sur lui une main qu'il juge trop ferme; il gémira bien plus quand il sera livré à des mains trop molles ou trop folles.

Avec la mort de Philippe le Bel, soudain, c'est la brisure. La longue chance successorale est épuisée.

Les trois fils du Roi de fer défilent au trône sans laisser de descendance mâle. Nous avons conté précédemment les drames que connut alors la cour de France, autour d'une couronne mise et remise aux enchères des ambitions.

Quatre rois au tombeau en l'espace de quatorze ans; il y a de quoi consterner les imaginations! La France n'était pas habituée de courir si souvent à Reims. Le tronc de l'arbre capétien est comme foudroyé. Et ce n'est pas de voir la couronne glisser à la branche Valois, la branche agitée, qui va rassurer personne. Princes ostentatoires, irréfléchis, d'une présomption énorme, tout en gestes et sans profondeur, les Valois s'imaginent qu'il leur suffit de sourire pour que le royaume soit heureux. Leurs devanciers confondaient leur personne avec la France. Eux confondent la France avec l'idée qu'ils se font d'eux-mêmes. Après la malédiction des trépas rapides, la malédiction de la médiocrité.

Le premier Valois, Philippe VI, qu'on appelle "le roi trouvé", autrement dit le parvenu, n'a pas su en dix ans bien assurer son pouvoir puisque c'est au bout de ce temps que son cousin germain, Edouard III d'Angleterre, se décide à rouvrir la querelle dynastique; il se déclare en droit roi de France, ce qui lui permet de soutenir, en Flandre, en Bretagne, en Saintonge, en Aquitaine, tous ceux, villes ou seigneurs, qui ont à se plaindre du nouveau règne. En face d'un plus efficace monarque, l'Anglais eût sans doute continué d'hésiter.

Pas davantage, Philippe de Valois n'a su repousser les périls; sa flotte est détruite à l'Écluse par la faute d'un amiral choisi, sans doute, pour sa méconnaissance de la mer; et lui-même, le roi, erre à travers champs, au soir de Crécy, pour avoir laissé ses troupes à cheval charger par-dessus leur propre infanterie.

Quand Philippe le Bel instituait des impôts dont on lui faisait grief, c'était afin de mettre la France en état de défense. Quand Philippe de Valois exige des taxes plus lourdes encore, c'est pour payer le prix de ses défaites.

Dans les cinq dernières années de son règne, le cours des monnaies sera modifié cent soixante fois; l'argent perdra les trois quarts de sa valeur. Les denrées, vainement taxées, atteignent des prix vertigineux. Une inflation sans précédent rend les villes grondantes.

Lorsque les ailes du malheur tournent au-dessus d'un pays, tout s'en mêle, et les calamités naturelles s'ajoutent aux erreurs des hommes.

La peste, la grande peste, partie du fond de l'Asie, frappe la France plus durement qu'aucune région d'Europe. Les rues des villes sont des mouroirs, les faubourgs, des charniers. Ici un quart de la population, ailleurs un tiers succombent. Des villages entiers disparaissent dont il ne restera, parmi les friches, que des masures ouvertes au vent.

Philippe de Valois avait un fils que la peste, hélas! épargna.

Il restait à la France quelques degrés à descendre dans la ruine et la détresse; ce sera l'ouvre de celui-là, Jean II, dit par erreur le Bon.

Cette lignée de médiocres fut tout près défaire écarter, dès le Moyen Age, un système qui confiait à la nature de produire, au sein d'une même famille, le détenteur du pouvoir souverain. Mais les peuples sont-ils plus souvent gagnants à la loterie des urnes qu'à celle des chromosomes? Les foules, les assemblées, même les collèges restreints ne se trompent pas moins que la nature; et la providence, de toute manière, est avare de grandeur.

 

PREMIÈRE PARTIE

LES MALHEURS VIENNENT DE LOIN

 

I. LE CARDINAL DE PÉRIGORD PENSE...

J'aurais dû être pape. Comment ne pas penser et repenser que, par trois fois, j'ai tenu la tiare entre mes mains; trois fois! Tant pour Benoît XII que pour Clément VI, ou que pour notre actuel pontife, c'est moi, en fin de lutte, qui ai décidé de la tête sur laquelle la tiare serait posée. Mon ami Pétrarque m'appelle le faiseur de papes... Pas si bon faiseur que cela, puisque ce ne put jamais être sur la mienne. Enfin, la volonté de Dieu... Ah! l'étrange chose qu'un conclave! Je crois bien que je suis le seul des cardinaux vivants à en avoir vu trois. Et peut-être en verrai-je un quatrième, si notre Innocent VI est aussi malade qu'il se plaint de l'être...

Quels sont ces toits là-bas? Oui, je reconnais, c'est l'abbaye de Chancelade, dans le vallon de la Beauronne... La première fois, certes, j'étais trop jeune. Trente-trois ans, l'âge du Christ; et cela se murmurait en Avignon, dès qu'on sut que Jean XXII... Seigneur, gardez son âme dans votre sainte lumière; il fut mon bienfaiteur... ne se relèverait pas. Mais les cardinaux n'allaient pas élire le plus jeunot d'entre leurs frères; et c'était raisonnable, je le confesse volontiers. Il faut en cette charge l'expérience que j'ai acquise depuis. Tout de même, j'en possédais assez, déjà, pour ne point m'enfler la tête de vaines illusions... En faisant suffisamment chuchoter aux Italiens que jamais, jamais, les cardinaux français ne voteraient pour Jacques Fournier, j'ai réussi à précipiter leurs votes sur lui, et à le faire élire à l'unanimité. "Vous avez élu un âne!" C'est le remerciement qu'il nous a crié sitôt son nom proclamé. Il connaissait ses insuffisances. Non, pas un âne; pas un lion non plus. Un bon général d'Ordre, qui avait assez bien su se faire obéir, à la tête des chartreux. Mais diriger l'entière chrétienté... trop minutieux, trop tatillon, trop inquisiteur. Ses réformations, finalement, ont fait plus de mal que de bien. Seulement, avec lui, on était absolument certain que le Saint-Siège ne retournerait pas à Rome. Sur ce point-là, un mur, un roc... et c'était l'essentiel.

La seconde fois, au conclave de 1342... ah! la seconde fois, j'aurais eu toutes mes chances si... si Philippe de Valois n'avait pas voulu faire élire son chancelier, l'archevêque de Rouen. Nous, les Périgord, nous avons toujours été obéissants à la couronne de France. Et puis, comment aurais-je pu continuer d'être le chef du parti français si j'avais prétendu m'opposer au roi? D'ailleurs Pierre Roger a été un grand pape, le meilleur à coup sûr de ceux que j'ai servis. Il suffit de voir ce qu'est devenue Avignon avec lui, le palais qu'il a fait construire, et ce grand afflux de lettrés, de savants et d'artistes... Et puis, il a réussi à acheter Avignon. Cette négociation-là, c'est moi qui l'ai faite, avec la reine de Naples; je peux bien dire que c'est mon ouvre. Quatre-vingt mille florins, ce n'était rien, une aumône. La reine Jeanne avait moins besoin d'argent que d'indulgences pour tous ses mariages successifs, sans parler de ses amants.

Sûrement, l'on a mis à mes chevaux de somme des harnais neufs. Ma litière manque de moelleux. C'est toujours ainsi quand on prend le départ, toujours ainsi... Dès lors, le vicaire de Dieu a cessé d'être comme un locataire, assis du bout des fesses sur un trône incertain. Et la cour que nous avons eue, qui donnait l'exemple au monde! Tous les rois s'y pressaient. Pour être pape, il ne suffit pas d'être prêtre; il faut aussi savoir être prince. Clément VI fut un grand politique; il entendait volontiers mes conseils. Ah! la ligue navale qui groupait les Latins d'Orient, le roi de Chypre, les Vénitiens, les Hospitaliers... Nous avons nettoyé l'archipel de Grèce des barbaresques qui l'infestaient; et nous allions faire plus. Et puis il y eut cette absurde guerre entre les rois français et anglais, dont je me demande si elle finira jamais, et qui nous a empêchés de poursuivre notre projet, ramener l'Église d'Orient dans le giron de la Romaine. Et puis, il y eut la peste... et puis Clément est mort...

La troisième fois, au conclave d'il y a quatre ans, c'est ma naissance qui m'a fait empêchement. J'étais trop grand seigneur, paraît-il, et nous venions d'en avoir un. Moi, Hélie de Talleyrand, qu'on appelle le cardinal de Périgord, pensez donc, c'eût été une insulte aux pauvres que de me choisir! Il y a des moments où l'Église est saisie d'une soudaine fureur d'humilité et de petitesse. Ce qui ne lui vaut jamais rien. Dépouillons-nous de nos ornements, cachons nos chasubles, vendons nos ciboires d'or et offrons le Corps du Christ dans une écuelle de deux deniers, vêtons-nous comme des manants, et bien crasseux s'il se peut, de sorte que nous ne sommes plus respectés de personne, et d'abord point des manants... Dame! si nous nous faisons pareils à eux, pourquoi nous honoreraient-ils? et nous en arrivons à ne plus nous respecter nous-mêmes... Les acharnés d'humilité, lorsque vous leur opposez cela, vous mettent le nez dans l'Évangile, comme s'ils étaient seuls à le connaître, et ils insistent sur la crèche, entre le bouf et l'âne, et ils insistent sur l'échoppe du charpentier... Faites-vous semblable à Nôtre-Seigneur Jésus... Mais Nôtre-Seigneur, où est-il en ce moment, mes petits clercs vaniteux? N'est-il pas à la droite du Père et confondu en lui dans sa Toute-Puissance? N'est-il pas le Christ en majesté, trônant dans la lumière des astres et la musique des cieux? N'est-il pas le roi du monde, entouré des légions de séraphins et de bienheureux? Qu'est-ce donc qui vous autorise à décréter laquelle de ces images vous devez, à travers votre personne, offrir aux fidèles, celle de sa brève existence terrestre ou celle de son éternité triomphante?

... Tiens, si je passe par quelque diocèse où je vois l'évêque un peu trop porté à rabaisser Dieu en épousant les idées nouvelles, voilà ce que je prêcherai... Marcher en supportant vingt livres d'or tissé, et la mitre, et la crosse, ce n'est pas plaisant tous les jours, surtout quand on le fait depuis plus de trente années. Mais c'est nécessité.

On n'attire pas les âmes avec du vinaigre. Quand un pouilleux dit à d'autres pouilleux "mes frères", cela ne leur produit pas grand effet. Si c'est un roi qui le leur dit, là, c'est différent. Procurer aux gens un peu d'estime d'eux-mêmes, voilà bien la première charité qu'ignorent nos fratricelles et autres gyrovagues. Justement parce que les gens sont pauvres, et souffrants, et pécheurs, et misérables, il faut leur donner quelque raison d'espérer en l'au-delà. Eh oui! avec de l'encens, des dorures, des musiques. L'Église doit offrir aux fidèles une vision du royaume céleste, et tout prêtre, à commencer par le pape et ses cardinaux, refléter un peu l'image du Pantocrator...

Au fond, ce n'est pas mauvaise chose de me parler ainsi à moi-même; j'y trouve arguments pour mes prochains sermons. Mais je préfère les trouver en compagnie... J'espère que Brunet n'a pas oublié mes dragées. Ah! non, les voilà. D'ailleurs, il n'oublie jamais...

Moi, qui ne suis pas grand théologien, comme ceux qui nous pleuvent de partout ces temps-ci, mais qui ai charge de tenir en ordre et propreté la maison du bon Dieu sur la terre, je me refuse à réduire mon train et mon hôtel; et le pape lui-même, qui sait trop ce qu'il me doit, ne s'est pas avisé de m'y contraindre. S'il lui plaît de s'apetisser sur son trône, c'est affaire qui le regarde. Mais moi qui suis son nonce, je veille à préserver la gloire de son sacerdoce.

Je sais que d'aucuns daubent sur ma grande litière pourpre à pommeaux et clous dorés où je vais à présent, et mes chevaux housses de pourpre, et les deux cents lances de mon escorte, et mes trois lions de Périgord brodés sur ma bannière et sur la livrée de mes sergents. Mais à cause de cela, quand j'entre dans une ville, tout le peuple accourt pour se prosterner, on vient baiser mon manteau, et j'oblige les rois à s'agenouiller... pour votre gloire, Seigneur, pour votre gloire.

Seulement, ces choses n'étaient pas dans l'air du dernier conclave, et l'on me le fit bien sentir. On voulait un homme du commun, on voulait un simple, un humble, un dépouillé. C'est de justesse que j'ai pu éviter qu'on nous élise Jean Birel, un saint homme, oh! certes, un saint homme, mais qui n'avait pas une once d'esprit de gouvernement et qui aurait été un second Pierre de Morone. J'ai eu assez d'éloquence pour représenter à mes frères conclavistes combien il y aurait péril, dans l'état où se trouvait l'Europe, à commettre l'erreur de nous donner un autre Célestin V. Ah! je ne l'ai pas ménagé le Birel! J'ai fait de lui un tel éloge, en montrant combien ses vertus admirables le rendaient impropre à gouverner l'Église, qu'il en est resté tout écrasé. Et je suis parvenu à faire proclamer Étienne Aubert qui était né assez pauvrement, du côté de Pompadour, et dont la carrière manquait assez d'éclat pour qu'il pût rallier tout le monde à son nom.

On nous assure que le Saint-Esprit nous éclaire afin de nous faire désigner le meilleur; en fait, nous votons le plus souvent pour éloigner le pire.

Il me déçoit, notre Saint-Père. Il gémit, il hésite, il décide, il se reprend. Ah! j'aurais conduit l'Église d'autre façon! Et puis, cette idée qu'il a eue d'envoyer le cardinal Capocci avec moi, comme s'il fallait deux légats, comme si je n'étais point assez averti pour mener les choses tout seul! Le résultat? Nous nous brouillons dès l'arrivée, parce que je lui montre sa sottise; il fait l'offensé, mon Capocci; il se retire; et tandis que je cours de Breteuil à Montbazon, de Montbazon à Poitiers, de Poitiers à Bordeaux, de Bordeaux à Périgueux, lui, de Paris, il ne fait rien qu'écrire partout pour brouiller mes négociations. Ah! j'espère bien ne pas le retrouver à Metz, chez l'Empereur...

Périgueux, mon Périgord... Mon Dieu, est-ce la dernière fois que je les aurais vus?

Ma mère tenait pour assuré que je serais pape. Elle me l'a fait entendre en plus d'une occasion. C'est pour cela qu'elle me fit prendre la tonsure quand j'avais six ans, et qu'elle obtint de Clément V, qui lui portait grande et belle amitié, que je fusse aussitôt inscrit comme escholier papal, et apte à recevoir bénéfices. Quel âge avais-je quand elle me conduisit à lui?... "Dame Brunissande, puisse votre fils, que nous bénissons spécialement, montrer dans l'état que vous lui avez choisi les vertus qu'on peut attendre de son lignage, et s'élever rapidement vers les plus hauts offices de notre sainte Église." Non, guère plus de sept ans. Il me fit chanoine de Saint-Front; mon premier camail. Presque cinquante ans de cela... Ma mère me voyait pape. Était-ce rêve d'ambition maternelle, ou bien vraiment vision prophétique comme les femmes parfois en ont? Hélas, je crois bien que je ne serai point pape.

Et pourtant... et pourtant, dans mon ciel de naissance, Jupiter est conjoint au Soleil, en belle culmination, ce qui est signe de domination et de règne dans la paix. Aucun des autres cardinaux n'a de si beaux aspects que les miens. Ma configuration était bien meilleure que celle d'Innocent, le jour de l'élection. Mais voilà... règne dans la paix, règne dans la paix; or nous sommes dans la guerre, le trouble et l'orage. J'ai de trop beaux astres pour les temps où nous sommes. Ceux d'Innocent, qui disent difficultés, erreurs, revers, convenaient mieux à cette période sombre. Dieu accorde les hommes avec les moments du monde, et appelle les papes qui conviennent à ses desseins, tel pour la grandeur et la gloire, tel pour l'ombre et la chute...

Si je n'avais été dans l'Église, comme ma mère l'a voulu, j'aurais été comte de Périgord, puisque mon frère aîné est mort sans descendance, l'année précisément de mon premier conclave, et que la couronne, faute que je puisse la ceindre, est passée à mon frère cadet, Roger-Bernard... Ni pape, ni comte. Allons, il faut accepter la place où la Providence nous met, et s'efforcer d'y faire de son mieux. Sans doute serai-je de ces hommes qui ont eu grand rôle et grande figure dans leur siècle, et qui sont oubliés aussitôt que disparus. La mémoire des peuples est paresseuse; elle ne retient que le nom des rois... Votre volonté, Seigneur, votre volonté...

Et puis, rien ne sert de repenser à ces choses, que je me suis dites cent fois... C'est d'avoir revu le Périgueux de mon enfance, et ma chère collégiale Saint-Front, et de m'en éloigner, qui me remue l'âme. Regardons plutôt ce paysage que je vois peut-être pour la dernière fois. Merci, Seigneur, de m'avoir octroyé cette joie...

Mais pourquoi me mène-t-on d'un train si rapide? Nous venons déjà de passer Château-1'Évêque; d'ici Bourdeilles, nous n'en avons guère que pour deux heures. Le jour du départ, il faut toujours faire petite étape. Les adieux, les dernières suppliques, les dernières bénédictions qu'on vous vient demander, le bagage oublié: on ne part jamais à l'heure décidée. Mais cette fois, c'est vraiment petite étape...

Brunet!... Holà! Brunet, mon ami; va en tête commander qu'on ralentisse le train. Qui nous emmène avec cette hâte? Est-ce Cunhac ou La Rue? Point n'est besoin de me secouer autant. Et puis va dire à Monseigneur Archambaud, mon neveu, qu'il descende de sa monture et que je le convie à partager ma litière. Merci, va...

Pour venir d'Avignon, j'avais avec moi mon neveu Robert de Durazzo; il fut un fort agréable compagnon. Il avait bien des traits de ma sour Agnès, et de notre mère. Qu'est-il allé se faire occire à Poitiers, par ces butors d'Anglais, en se portant dans la bataille du roi de France! Oh! je ne l'en désapprouve pas, même si j'ai dû feindre de le faire. Qui pouvait penser que le roi Jean irait se faire étriller de pareille sorte! Il aligne trente mille hommes contre six mille, et le soir il se retrouve prisonnier. Ah! l'absurde prince, le niais! Alors qu'il pouvait, s'il avait seulement accepté l'accord que je lui portais comme sur un plateau d'offrandes, tout gagner sans livrer bataille!

Archambaud me paraît moins vif et brillant que Robert. Il n'a pas connu l'Italie, qui délie beaucoup la jeunesse. Enfin, c'est lui qui sera comte de Périgord, si Dieu le veut. Cela va le former, ce jeune homme, de voyager en ma compagnie. Il a tout à apprendre de moi... Une fois mes oraisons faites, je n'aime point à rester seul.

 

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